Fantasmes et réalités de la planète Mars

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Perchée haut dans les cieux nocturnes, à la fois si proche et si lointaine, Mars fascine, attire et effraie. Si la quatrième planète à partir du Soleil est notre voisine immédiate – « seulement » 60 millions de kilomètres séparent les deux mondes dans le meilleur des cas –, son exploration humaine ne semble pas pour demain, même si des projets sérieux de la NASA sont en cours. En attendant, l’astre rouge reste l’objet de tous les fantasmes ; et la fantaisie continue de défier la triste réalité.

En avant, Mars !

Les Égyptiens l’avaient déjà baptisée « planète rouge », et elle était célèbre dans l’Antiquité pour être l’un des 5 mondes de notre système solaire visible depuis la Terre. Les Grecs lui donnèrent le nom d’Arès, leur dieu de la guerre, en référence à sa couleur sanguine ; les Romains adoptèrent cette appellation, et c’est pourquoi elle est devenue notre Mars actuelle (Mars étant la romanisation d’Arès).

À la fin du XIXe siècle, la planète Mars est l’astre favori des observateurs en quête d’intelligences extraterrestres proches de la Terre. En 1877, profitant d’une phase d’opposition – Mars étant au plus proche de nous –, l’astronome italien Giovanni Schiaparelli y distingue des longues lignes noires courant à travers les continents. Il les appelle « canali » : bras de mer.

Le terme est improprement traduit en français, et c’est la naissance du fantasme des canaux martiens. Certains, comme Percival Lowell, les pensent creusés pour servir de systèmes d’irrigation géants destinés à des cultures de pommes de terre martiennes. D’autres, comme Edward Barnard, émettent plus que des doutes sur cette théorie.

Il faut attendre 1965 et le survol de la planète Mars par les sondes Mariner pour que les fantasmes viennent buter contre la réalité scientifique. Les premières photographies révèlent une surface constellée de cratères et l’absence d’eau à l’état liquide – sans parler de ces fantastiques villes artificielles imaginées autrefois, qui n’existent simplement pas. Mars est un monde mort.

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La planète Mars et ses fantasmes

L’histoire de la planète Mars se raconte de deux façons : d’une part, il y a la fiction, et surtout la science-fiction, qui ont depuis longtemps peuplé le sol rougeâtre de bonshommes tour à tour sympathiques ou acariâtres. D’autre part, il y a la science, qui s’est évertuée à démontrer que les chimères devaient rester à l’état de chimères.

Après l’affaire des canaux, Mars est devenue immensément populaire dans l’imaginaire fictionnel. C’est en 1898 que l’écrivain anglais Herbert George Wells publie La Guerre des mondes, le plus célèbre roman de la science-fiction primitive. Il forge l’histoire de Martiens qui fuient leur planète mourante pour venir s’installer sur Terre – en commençant par se débarrasser de nous.

Le succès de l’ouvrage est tel qu’il ne se démentira pas au cours des décennies. Orson Welles, en 1938, en donne une interprétation radiophonique fameuse, produisant une panique chez les auditeurs qui croyaient l’invasion martienne réellement lancée. Peu importe si cette légende est aujourd’hui contestée (lire ici) : la fiction est parfois plus belle que la réalité.

Depuis Wells, Mars a occupé les plus grands auteurs à travers le siècle : Arthur C. Clarke, Isaac Asimov ou Ray Bradbury y ont inventé des histoires merveilleuses. Dans une nouvelle, Asimov prédit que les humains, après avoir épuisé les ressources terrestres, envoient une équipe de colonisation sur Mars : les astronautes y découvrent un monde mort… que les Martiens ont délaissé pour la Terre !

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La science-fiction VS la dure réalité

Évidemment, les découvertes faite par les sondes Mariner, et l’écroulement du fantasme de la planète Mars habitée, ont un temps asséché les imaginaires romanesques. Où étaient donc les cités décrites par Bradbury dans Chroniques martiennes ? Où se cachaient les villes interdites et les monstres belliqueux vus dans les films de S-F fauchés des années 50 ?

Face à la dure réalité, deux écoles s’opposent. La première est fantasmagorique, et reste sourde aux remises en cause scientifiques. Elle est incarnée par Leigh Brackett qui, dans sa préface au roman Les Terriens arrivent (en 1967), écrit : « je vous offre ces légendes du vieux Mars comme de vrais récits, et j’invite les mornes réalités à garder une distance respectueuse ».

La seconde embrasse pleinement la certitude d’un monde mort, et travaillent plutôt à inventer les méthodes de colonisation de la planète Mars, sur des bases scientifiques. C’est la hard science-fiction (un genre plus strictement scientifique que fictionnel), emmenée par la Trilogie martienne de Kim Stanley Robinson, avec ses descriptions physiques et géologiques précises.

Le cinéma, lui, voyage entre les deux horizons. Dans Mission to Mars (Brian de Palma) et Planète rouge (Antony Hoffman), tous deux sortis en 2000, l’astre est bel et bien mort mais révèle petit à petit ses secrets. Avec sa version de La Guerre des mondes en 2005, Spielberg, quant à lui, réactive le fantasme de l’invasion martienne, dans une perspective malthusienne.

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Désirs d’exploration de la planète Mars

Récemment, les avancées scientifiques ont redonné une nouvelle couleur à la planète Mars. Le bon bilan du robot Curiosity et l’annonce de la découverte d’eau à l’état liquide ont réactivé le vieux fantasme d’exploration et de colonisation de l’astre rouge. Le projet de mission habitée développé officiellement par la NASA, à l’horizon 2030, a contribué à cette réactivation.

La science-fiction, jamais en retard, s’en est rapidement fait l’écho : il est certes plus facile d’imaginer une mission vers Mars que vers Pluton, un peu trop lointaine. Le concept de terraformation, pas si fou qu’il en a l’air (qui consiste à transformer l’atmosphère de la planète Mars pour le rendre respirable) a nourri Total Recall, de Paul Verhoeven, entre autres.

Pour autant, ce monde éloigné et mort reste, on l’oublie trop souvent, très hostile. Il faut le film Seul sur Mars, adaptation du roman d’Andy Weir, pour nous le rappeler : il place son héros dans la position d’un naufragé martien (faisant écho au Robinson Crusoé sur Mars de Byron Haskin, véritable film de 1964), abandonné à 60 millions de kilomètres de chez lui.

Ce n’est pas encore demain qu’on partira en villégiature sur la planète Mars, trop rouge, trop sèche et trop étouffante. En attendant, on relira donc avec délices les récits fantasmés de nos grands écrivains de S-F, tout en regardant, à la nuit tombée, haut dans les cieux, ce point fixe et brillant qui semble nous appeler à lui.

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