Le naming : une tendance séduisante ou envahissante ?

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La publicité est-elle décidément trop invasive ? Elle est partout, sur vos pages web et dans vos podcasts, en ouverture de vos parties de League of Legends et impossible à zapper avant votre émission en replay. Et désormais, affichée en format éléphantesque sur les stades et autres enceintes sportives. Cela s’appelle le naming et ce n’est pas une tendance si nouvelle qu’elle en a l’air. Mais l’innovation réside dans le changement de nom, que la marque s’approprie. Pour le meilleur ou pour le pire ?

Le Parrain

Un anglicisme exprime parfois mieux une idée que ne pourrait le faire sa traduction française : ainsi, « naming » pourrait donner, dans la langue de Molière, « parrainage ». Il est également possible de dire « nommage », mais c’est un peu comme le terme francisé « nomination » pour les Oscars : ça écorche les oreilles sensibles.

Sauf que le sponsoring est une princesse de conte de fées à côté du naming, qui consiste ni plus ni moins à donner le nom d’une marque à une enceinte sportive ou à une compétition. Comme si votre parrain vous obligeait à porter son prénom en plus du vôtre : Henri-François.

Cette pratique, très développée dans les pays anglo-saxons notamment, vous la connaissez tous même sans le savoir. Les noms suivants vous disent certainement quelque chose :

  • L’Allianz Arena ou la Volkswagen-Arena en Allemagne (14 des 18 stades du championnat de football allemand portent le nom d’entreprises privées)
  • L’Emirates Stadium à Londres (le stade de l’équipe d’Arsenal)
  • Le Staples Center à Los Angeles

Voilà ce qu’est le naming : une façon de faire de la publicité qui affecte la toponymie locale, soit le nom des établissements qui nous entourent.

Histoire du naming

La pratique du naming ne date pas d’hier : cela fait des décennies que les compétitions sportives ont fait ami-ami avec les marques. Certaines dénominations sont si bien installées dans les consciences que le public ne s’en rend même plus compte. Voyez, par exemple :

  • La Transat Jacques-Vabre et la Solitaire du Figaro (voile)
  • Le BNP Paribas Masters (tennis)
  • La Heineken Cup (rugby), rebaptisée « H Cup » à la faveur de la loi Evin
  • La Turkish Airlines Euroleague (basket)
  • Le Qatar Prix de l’Arc de Triomphe (équitation)
  • Le Critérium du Dauphiné Libéré (cyclisme)

Le naming appliqué aux enceintes sportives et de spectacle a pris plus de temps à s’installer en France, mais cette mode fait désormais partie du paysage, comme on peut le constater en faisant un rapide tour du pays :

  • Le MMArena au Mans
  • Le Matmut Stadium à Lyon
  • Le Park&Suites Arena à Montpellier
  • La Kindarena à Rouen
  • L’AccorHotels Arena à Paris

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Petits arrangements entre amis

Évidemment, les banques, les constructeurs automobiles, les groupes agroalimentaires et hôteliers, les compagnies aériennes – toutes les entreprises, toutes les marques veulent bénéficier des avantages qu’il y a à associer leur nom à une compétition sportive, et désormais à une enceinte dédiée.

Ces bénéfices sont à double sens, pour la marque comme pour le propriétaire de l’enceinte sportive (souvent publique) :

  • Pour la marque, c’est l’assurance d’avoir une vitrine éclatante, une ouverture au monde, et la possibilité de faire profiter ses clients des avantages liés au lieu (entrées gratuites, loges, etc.) ;
  • Pour le propriétaire, c’est le moyen rêvé de mener une rénovation complète sans débourser un centime d’argent public, et de financer d’autres équipements de la ville (pour l’AccorHotels Arena, le contrat avec Paris serait estimé entre 40 et 85 millions pour la durée du naming).

Tout irait donc bien dans le meilleur des mondes, si des voix ne s’élevaient pas pour dénoncer une pratique certes séduisante pour les deux partis intéressés, mais très invasive pour les citoyens.

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Le naming et ses petits tracas

L’exemple de Bercy, rebaptisé AccorHotels Arena après un accord entre la ville de Paris et le groupe privé hôtelier (qui possède les marques Mercure, Novotel, Ibis, Adagio, Sofitel et Pullman, entre autres), est un cas d’école. La municipalité avait parié que le nouveau nom s’imposerait sans faire de vagues. Raté.

Les réactions négatives à ce naming envahissant ne se sont pas fait attendre, comme on peut le lire ici. Elles peuvent se résumer à deux arguments :

  • On ne change pas une habitude toponymique aussi facilement, de sorte que Bercy risque de rester Bercy pour très longtemps ;
  • Le Palais Omnisports est un établissement public, inauguré par Jacques Chirac en 1984. En gros : faites ce que vous voulez avec les bâtiments privés, mais ne touchez pas aux enceintes publiques qui appartiennent de fait à tout le monde.

Il existe, en outre, d’autres solutions. À Rennes, le Roazhon Park a échappé à la transformation en « Fortuneo Stadium », mais la ville a néanmoins accepté de baptiser une tribune « Super U ». C’est déjà plus discret.

De même, tant que des infrastructures secondaires seules sont concernées, le public ne s’en mêle pas. Voyez le Camp des Loges, lieu emblématique du PSG, devenu le « Centre d’entraînement Ooredoo », ou la « Groupama OL Academy » de Lyon qui prend désormais en charge les jeunes talents du foot. Le principal problème du naming est aussi sa force première : sa trop grande visibilité.

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Et après ?

François Loncle, député PS de l’Eure, a vertement dénoncé cette pratique mercantile (lire cet article). Il exprime la crainte que le naming ne se généralise à d’autres lieux, bâtiments et espaces publics. C’est déjà le cas à Madrid où une ligne de métro s’appelle Vodafone. Et les équipes n’y échappent pas : le Red Bull Salzbourg en foot, le Gamyo d’Épinal en hockey sur glace. Bientôt les sportifs eux-mêmes ?

Pour finir, voici donc quelques idées de naming à imaginer pour l’avenir :

  • Le musée du Louvre-Justin Bridou
  • La piscine Nature&Découvertes Molitor
  • La Comédie Française Netflix
  • L’Institut d’études politiques Disneyland Paris
  • La Bibliothèque Kindle-François Mitterrand

Vous avez dit « envahissant », le naming ?

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