Histoire du street art, ce mode d’expression subversif

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Quand l’art se déplace dans la rue, à la vue de tous et sans contraintes ni limites, ça donne le street art. Un mouvement qui a commencé par le graffiti aux États-Unis dans les années 70 avant de s’étendre partout dans le monde, adoubant au passage ses artistes en tant que génies subversifs. Ce qui est effectivement un gros paradoxe.

Quand l’art se rue dans la rue

Le street (ou « art de la rue », « art urbain ») désigne toute forme artistique réalisée dans un contexte urbain, en plein air le plus souvent, à la vue des passants. La notion est vague parce qu’elle regroupe des formes de création très variées, allant des arts graphiques muraux (les graffitis, le pochoir, les stickers, la mosaïque) aux installations à même la rue, en passant par les affichages et le yarn bombing.

Moins connu que ses camarades urbains, le yarn bombing consiste en une sorte de graffiti qui utilise le tricot ou d’autres techniques proches qui ont pour point commun d’utiliser de la laine ou du fil (tissage, tapisserie, enroulement, etc.). Cette pratique née en 2005 aux États-Unis s’est diffusée rapidement en Europe, comme à Londres où a eu lieu depuis 2009 l’opération « Knit the City » (« Tricote la ville »).

En somme, le street art englobe toute la création qui se fait dans la rue. Il est né d’une prise en compte de l’environnement urbain dans la création artistique, et vise à déplacer l’art des musées et des galeries vers l’extérieur. Et cela, afin de le confronter au réel, aux regards (et au jugement) des passants.

Petite histoire du street art

Bien qu’il se soit développé sous sa forme actuelle dans les années 70, le street art n’est pas né d’hier. Ses origines remontent à plus loin : dans une certaine mesure, toute création artistique réalisée en plein air ou ayant trait à des objets du quotidien disponibles en extérieur peut être qualifiée de « street art » bien avant l’heure.

Puisque le propre du street art est de sortir l’objet d’art de l’enceinte du musée, on peut considérer que les illustrations sur pierre retrouvées à Pompéi, à Athènes ou dans la Vallée des Rois égyptienne sont des formes d’art « urbain ». Le labyrinthe en mosaïque dans la maison du même nom à Pompéi est ainsi vu comme un ancêtre de cette forme d’art.

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Un art de la rue, et sous la rue

Le street art dans les années 70, c’est d’abord les graffitis. Ceux que de jeunes artistes underground réalisent dans les souterrains du métro new-yorkais, et qui leur servent de moyen d’expression privilégié pour crier leur rejet du système. On les appelle les « writers » et ils fonctionnent par « crews », des équipes de graffeurs qui petit à petit recouvrent les murs de la ville.

Le graffiti s’installe et s’intensifie, inspirant la bande-dessinée et la publicité. Il devient l’expression même de la culture de rue, liée au hip-hop, à un style vestimentaire très marqué, et à la vie dans des quartiers comme ceux du Bronx et de Harlem. Rapidement, le tag évolue, se transforme en véritable dessin, présente des typographiques toujours plus originales.

La ville de New York commence à sanctionner ce moyen d’expression, qui émigre vers d’autres villes américaines et franchit l’Atlantique pour s’installer en Europe. Perçu en France comme un art humoristique, plein de couleurs et plutôt déjanté, le graffiti décore les murs en brique des immeubles et les enceintes de protection routières.

Pop artists Andy Warhol, left, and Jean-Michel Basquiat pose in front of their collaborative paintings on display at the Tony Shafrazi Gallery in Manhattan's SoHo section, N.Y. on Sept. 24, 1985.  They  collaborated on 16 untitled canvases.  Warhol painted the company logos and Basquiat, who has roots in the graffiti movement, added dashes of color and commentary.  Warhol, working in oils for the first time since 1962, said of the collaboration: "I just did some, and he did some.  We didn't think too much about it.  It was fun doing."  The canvases were offered at between $50,000 and $80,000 a piece.  (AP Photo/Richard Drew)

Institutionnalisation

Néanmoins, tout dessin ou autocollant apposé sur un mur n’est pas de l’art urbain. La frontière peut sembler floue aux yeux des détracteurs du graffiti, mais le street art n’a rien à voir avec le vandalisme. Les artistes de rue tentent, par leurs œuvres, de communiquer avec le public sur des thèmes socialement pertinents. Ils valorisent également l’esthétisme au sens où ils cherchent à produire une œuvre qui fait sens visuellement.

Le vandalisme par le tag a, lui, des enjeux territoriaux et idéologiques qui s’éloignent de toute forme artistique. Toutefois, le street art reste majoritairement une forme d’expression subversive, et les artistes puisent dans des motivations très variées mais souvent connectées avec l’activisme et le rejet d’un fait politique ou de société.

De fait, le street art fonctionne comme une sorte de tribune libre destinée aux artistes contemporains, avec l’avantage de s’adresser directement au plus large public possible. Cette étiquette est souvent utilisée par des artistes qui ne veulent pas se fondre dans la masse ni se voir imposer des limites (morales, esthétiques, politiques) qui rentreraient en conflit avec leur liberté intrinsèque.

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Quelques grands noms du street art

L’histoire du street art est émaillé de grand noms. En voici une sélection :

  • Jean-Michel Basquiat: décédé en 1988 à New York, cet artiste avant-gardiste, doté d’un style original, naïf, spontané et parfois très violent, a commencé par graffer des messages près des galeries d’art de Manhattan. Laissant derrière lui une œuvre comprenant plus de 800 tableaux et 1 500 dessins, il est sans doute l’artiste urbain le plus célèbre.
  • Banksy: ce mythe vivant du street art, basé en Angleterre, utilise le pochoir pour traduire de manière décalée des faits de société parfois tragiques. Il dénonce les excès de la société, les violences, les guerres, la corruption – mais toujours avec humour et poésie.
  • Invader: ce Français anonyme colle des mosaïques dans toutes les grandes villes du monde, et ce depuis les années 90. Ces mosaïques représentent au départ des extraterrestres directement inspirés du jeu vidéo Space Invaders ; elles dessinent désormais quantité d’autres sujets. En 2011 il a célébré son 1000e invader, posé sur la façade d’un squat artistique de Paris, La Générale.
  • Clet Abraham: ce Français installé à Florence s’est spécialisé dans le détournement des panneaux de signalisation. Ses travaux sont nés dans l’illégalité, mais depuis quelques années la ville de Florence n’hésite plus à utiliser ses détournements comme arguments touristiques.

La question se pose toutefois : et si cet art subversif, né dans la rue en tant que moyen d’expression des « oubliés », s’était quelque peu embourgeoisé ? Basquiat est devenu une mine d’or pour les ventes aux enchères et Banksy expose en galerie.

Heureusement, le fait que les artistes soient devenus très célèbres et qu’ils se soient développés en « marques » ne les empêche pas de rester, le plus souvent, des activistes dont le génie sert à faire passer des messages forts. La preuve ? Le « Dismaland » de Banksy, sa version cauchemardesque du parc d’attractions Disneyland…


Visite guidée de « Dismaland », le « parc d… de lemondefr et sur si vous souhaitez encore plus d’infos n’hésitez pas à consulter cet article

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